anecdotes.
(( un )) Famille qui n'a rien d'ordinaire, qui est loin d'être idyllique. Ta famille, c'était pas celle qui était décrite dans les séries ou dans les films qui passent en plein milieu de l'après-midi. Le pouvoir qui est le maître-mot de la famille. Le paternel qui rêve de grandeur, qui rêve d'un empire du crime. Gamin à qui on apprenait à mentir, à jouer de son sourire pour tromper, à voler avant même de savoir réciter convenablement l'alphabet. Vol, trafic de drogue, détournement d'argent. Tout était bon pour avoir un peu de pouvoir, pour que le nom inspire la pire. Tout est bon pour que l'empire grandisse, qu'il y ait quelque chose à donner aux gamins lorsqu'il ne sera plus là.
(( deux)) L'école ça sert à rien. Combien de fois t'as entendu ça quand t'as tes enseignants t'ont félicité. T'étais loin d'être le premier de la classe, mais t'étais pas le dernier non plus. Tu voulais plus que la médiocrité qu'on t'offrait, tu voulais faire quelque chose dans ta vie. Les rires, les insultes quand tu disais que tu voulais faire des études, quand tu voulais faire autre chose. Insultes, les coups parce que tu trahissais la famille. Le gamin qui obéissait sagement qui n'est plus. Adolescent en crise, qui se rebelle, parce que putain t'as pas envie d'être un criminel, t'as pas envie de vivre avec cette peur de finir en prison tout simplement parce que t'es né dans la mauvaise famille. Rébellion qui n'était pas appréciée, qu'on essayait d'étouffer. Les menaces et les coups qui se font de plus en plus présent. Les mots qui sont de plus en plus fort, les coups aussi. Dernier coup de ta part, sur ton père, les chaînes qui se libèrent quand tu passes la porte de la maison. T'as plus de famille, t'existes plus, t'es mort. Tu pensais que c'était simple de faire une croix sur eux et puis tu as croisé son regard. Gamin d'à peine dix ans, le regard qui te brise le cœur, qui te donne envie de le prendre avec toi, de le sauver. Mais t'es parti, t'as claqué la porte avec juste un sac sur toi. T'as été qu'un gamin égoïste.
(( trois )) Seize ans et t'étais déjà à la rue. Seize ans et tu survivais avec ce que t'as famille t'avais appris : le vol et le mensonge. Tu te détestais, tu valais pas mieux qu'eux finalement. Gamin de seize ans qui vivait comme il le pouvait. Le lycée que tu désertais petit à petit, parce que t'avais pas envie de te retrouver face à eux, face à cette ancienne famille. Des mots où tu survis, où tu t'étais pas encore fait prendre. Instant un peu trop parfait, jusqu'à l'erreur. Tu voulais trop d'un coup, t'avais peut-être un peu trop faim aussi. Nourriture que tu cachais difficilement, les caméras qui t'avaient pris en flagrant délit. Tout était fini pour toi, c'est que tu pensais. Le paternel allait certainement rire quand il allait apprendre la nouvelle. Tu faisais pas le fier, assis sur la chaise de l'arrière-boutique. Les sirènes des flics que t'entendais. C'était pour toi, tu le savais. Non, tu faisais pas le fier quand t'as sursauté parce que t'avais entendu la porte grincé. Les lèvres qui étaient prisonnières des dents, le sang aurait pu couler. Les bruits de pas qui se rapprochent et toi qui tends les poignets en pensant qu'on t'allait mettre de jolis bracelets. Un rire qui avait raisonné dans la pièce, la nourriture qui se trouvait devant. Propriétaire de l'épicerie qui avait de la peine, de la pitié pour le gamin que t'étais. Propriétaire qui ne pouvait se résoudre d'appeler la police parce qu'un gamin affamé faisait ce qu'il fallait. Propriétaire un peu trop gentille qui t'a offert un toit quand elle t'a proposé une chambre. Peut-être que c'était un piège, qu'elle t'aurait découpé dans un moment de faiblesse, mais t'as accepté, parce que t'en pouvais plus de la rue, parce que tu voulais un endroit chaud et un lit. Peut-être bien que les larmes ont coulé cette nuit-là, parce que tu semblais être enfin en sécurité. T'as pas compris pourquoi elle faisait ça. Chambre qui semblait appartenir à quelqu'un, encore un peu trop décoré. Chambre qui appartenait à un fils disparu, chambre qu'elle te lègue. Elle qui t'adopte comme pour retrouver un fils, comme pour se faire pardonner d'une erreur qu'elle avait pu commettre. Famille que t'arrive à retrouver avec elle, un semblant d'équilibre que tu trouves enfin.
(( quatre )) Insigne que tu portes sur ton torse. On t'aurait dit gamin que tu finirais par entrer dans la police, tu serais plus de ce monde. Tu sais pas ce qui t'as pris. T'étais prêt à entrer à l'université, t'avais fais les demandes. Et puis, il y a eu l'accident. Braquage à l'épicerie, balle qui s'était perdue, gars qui avait perdu le contrôle, qui avait agit sans réfléchir alors qu'elle lui avait donné tout ce qu'elle avait. Nouvelle que t'apprends, alors que t'étais encore assis sur une chaise en train d'écouter un cours pas si passionnant. Une blague, un besoin de vérifier. T'as pas entendu la fin du discours, t'es parti, t'as vu les voitures, t'as vu l'ambulance. T'as crié, t'as hurlé. Morceau de bonheur qu'on t'avais pris. Malédiction que le paternel a dû te lancer quand t'as quitté le domicile familial. Tu te retrouvais seul encore une fois avec cette envie de tout balancer. L'université que t'abandonnes rapidement, parce que c'est pas fait pour toi, parce que tu t’ennuies rapidement et que c'est trop cher pour ce que c'est. T'as pas envie de te ruiner la santé pour un bout de papier qui va certainement te mener nul part. L'école de police que t'intègres, parce que t'as peut-être ce foutu complexe de superhéro, parce que t'as cette envie de jouer les justiciers. T'es un Reyes et t'es un flic. T'espères que le paternel ait eu une crise cardiaque en l'apprenant. Tu veux pas être comme eux, tu veux faire le bien dans ce monde, le rendre un peu moins pourri.
(( cinq )) Appel qui est lancé. Bagarre au parc d'attraction, pas forcément l'endroit où tu interviens pour ce genre d'accident. Hurlements qui résonnent, insultes un peu trop nombreuses. Le gamin qu'on tient parce qu'il serait capable d'en venir aux mains sur l'autre type. Et tu devais s'occuper de lui, d'essayer de le raisonner. Gamin en colère contre le monde entier, qui essayait de bien faire. Tu pouvais pas lui en vouloir, t'aurais certainement fait la même chose. Visage que tu recroises, parce qu'il ne se calme pas, parce que c'est un petit con, âme constamment en colère qui a besoin de se défouler. Boisson et friandise que tu lui donnes, les mots, les piques que vous échangez régulièrement. Poste qui semble vide sans cette âme qui met un peu d'animation. Tu veux pas l'avouer, mais il te manquerait presque quand il n'est pas là, parce que tout semble un peu vide.
(( six )) Tu l'as vu, il était là au poste sans que tu comprennes pourquoi. Gamin qui ne semblait pas avoir changé depuis quasiment dix ans. Solal, gamin au regard un peu trop innocent, gamin qui était encore prisonnier des tyrans, du moins, c'est ce que tu pensais. Gamin au visage tuméfié, l'envie d'aller le voir, de lui demander de comment il allait, s'il arrivait à survivre. Question qui semblait être stupide, fallait voir l'état de son visage. Tes jambes qui ont commencé à bouger, putain, tu savais pas ce que t'allais lui dire, parce que ça fait dix ans, parce que tu l'as laissé dans cet enfer en ayant conscience de ce qu'il pourrait vivre. Il doit te détester, il en a le droit, t'étais qu'un con égoïste après tout. Le cœur qui bat trop vite. Peut-être qu'il se souvient pas de toi, peut-être qu'il ne voudrait pas te parler. Un sourire maladroit qui se dessine, comme si t'essayais d'être rassurant, mais ça ne devait pas faire l'effet escompté. Prénom que tu prononces une première fois, d'une façon un peu trop faible, parce que t'oses pas vraiment. Gamin qui n'avait pas attendu, alors tu prononces encore le prénom, un peu plus fort cette fois. Les regards qui se croisent, tu l'avais retrouvé ton petit frère. Gamin qui était brisé, en partie par ta faute, tu ne peux le nier. Gamin qui se retrouve dans une affaire qui le dépassait certaines. Gamin que t'as retrouvé, que tu veux protéger parce que lui aussi à le droit à une meilleure vie.