pas un bruit dans son appartement autre que lui ; sirius grommelait d'une voix sombre et marquée par la fièvre, des mots sans sens et des menaces à des entités invisibles. ça faisait déjà quelques jours qu'une poignée de serpents insidieux venaient remuer dans son esprit, étouffant les méninges, créant maux de tête sur maux de tête. les sachets d'aspirine qui jonchaient le fond de la poubelle n'y faisaient rien. la douleur pesait sur ses épaules, lui alourdissait chaque muscle, comme le ciel sur les bras tendus d'Atlas, et comme Atlas là encore, il ne pouvait bouger, avait arrêté le travail il y a maintenant deux nuits en sachant pertinemment qu'il devrait y retourner le plus tôt possible.

il détestait ça, sirius, demander de l'aide ; ça revenait à étouffer son ego, à admettre quelques faiblesses qu'il tentait de dissimuler. et pourtant, ses doigts étaient venus se perdre sur le numéro de sa mère ; d'une voix faible et un peu distordue par les symptômes d'une grippe archaïque, il l'avait presque suppliée de venir ici, chez lui, concocter un de ces plats dont elle avait le secret et lui fournir un de ses remèdes. le croupier avait toujours vu sa mère comme une magicienne ; elle semblait tout connaître des médicaments, des plantes, et de tout ce qu'il fallait administrer à chaque corps pour le guérir ; c'était le numéro d'urgence, quand les enfants bellamy étaient plus jeunes, et que leurs nez se bouchaient, que leurs gorges s'irritaient. elle venait, rapidement, et de tout son amour et de son savoir, elle écrasait le virus.

en l'attendant, il s'était couché dans son canapé, les yeux rougis, la peau brûlante, et il s'était mis à somnoler, prêtant une attention diffuse aux sons environnants ; lorsque la sonnette avait retenti dans l'appartement, le garçon avait essayé de se lever, mais en vain ; la porte s'était ouverte avant qu'il puisse l'atteindre.

rien que les traits de sa mère, si doux, si purs, suffisent à apaiser les brûlures de sirius. petit, il ne fallait que le visage d'elisabeth au loin pour calmer chaque bobo, chaque genou égratigné ; elle a cet effet incroyable sur lui -et probablement sur tous ses enfants. le son de sa voix, jolies clochettes qui tintent, le tire de son état comateux ; garçon parvient à se redresser, tend le front pour y recevoir un baiser de sa mère, puis s'affale de nouveau. faible sourire quand elle lui lance cette petite phrase moqueuse. "non, là, m'man, c'est une foule de virus." les yeux qui s'égarent en l'air, la main brûlante qui tombe le long du sofa. "de petits virus, si tu veux. mais vraiment tout pleins à la fois." un semblant de sourire sur son visage, le premier depuis quelques jours.

les pieds sont les premiers à toucher le sol, et c'est le corps tout entier qui se redresse ensuite ; curieux assemblage de chair qui claudique jusqu'à la cuisine, y rejoint sa créatrice. il se saisit de sa main, la dépose sur son visage aride. "tiens, tu vois." faible quinte de toux, et il grogne un peu. sirius déteste dépendre ainsi de quelqu'un, même si c'est sa mère, même s'il l'aime plus que tout au monde. sur le frigo, son regard s'égare sur la photo de jasper et lui, jeunes ; il secoue la tête, oublie tout ça et plonge ses yeux dans ceux d'elisabeth. "j'suis sûr que c'est thaïs qui me l'a refilé. il a toujours eu un système immunitaire nul." tacler son cadet, se dédouaner de l'avoir appelée, elle, soldat qui a accouru s'occuper de son petit sergent. il voit la tisane, sourit faiblement, se réjouissant d'avance de la sensation du chaud qui écarte la douleur.